Philosophie

Voulez vous avoir votre permis ou être un conducteur ? D’aucuns diront qu’aujourd’hui, pour être un conducteur, il faut avoir le permis. C’est un énoncé de légalistes. Bien des gens conduisent sans permis. Ils sont conducteurs sans l’avoir. Bien d’autres apprennent à conduire. Ils débutent. Ils ne l’ont pas plus. Mais on ne peut pas dénier la réalité de leur activité.

 Notre société moderne a défini un droit de conduire. C’est le permis. Mais ce droit ne dit rien de l’aptitude comme de la compétence. Une question reste : qu’est-ce que savoir conduire ? Pour y répondre, on ne pourra faire l’économie d’une autre question : qu’est-ce que conduire ?

 L’objet de l’École de conduite conviviale est de proposer un cadre de travail dans lequel peuvent se poser ces questions. C’est à l’occasion de l’apprentissage de la conduite et de son enseignement que chacun aura la possibilité de se positionner et par là de définir sa propre identité de conducteur et d’enseignant, quelque chose de son Être.

 École parce qu’on y apprend. Conduite de par l’activité spécifique d’usage de la voie publique à laquelle on s’exerce et qu’on questionne. Conviviale parce que c’est ce qu’on voudrait qu’elle soit sans jamais y parvenir. Conviviale surtout parce qu’Ivan Illich nous a montré l’enfer que nous avons pavé de nos bonnes intentions tout en ouvrant la voie d’une autre modernité. C’est cette voie subversive que nous proposons d’emprunter.

 Les auto-écoles ont mauvaise réputation. Voleurs, dragueurs, mauvais conducteurs, l’image des moniteurs reste bien triste en France malgré la récente féminisation de la profession. Il nous faut bien y voir quelque chose de vrai. Les professionnels de la sécurité routière tentent de produire et de conserver un monopole radical du marché de la formation et de la prévention. Un des effets de ce monopole en est une contreproductivité avérée en termes de réduction de la mortalité et de la morbidité routière au profit d’une croissance de la consommation de la mobilité motorisée.

 Des voix s’élèvent alors pour crier que « le permis est trop cher » (sans trop bien savoir ce qu’ils payent). Des entreprises se créent alors pour louer des voitures à doubles-commandes (sans trop bien savoir enseigner). Ces faits sociaux convergent. Il y a dans la conduite quelque chose d’extrêmement simple qui génère une incompréhension au moment de payer la facture. Pourquoi payer quelqu’un 50 euros de l’heure pour enseigner à son fils quelque chose que l'on sait faire soi-même et que l'on pourrait bien lui enseigner ?

 Notre ambition n’est pas de faire fermer les auto-écoles. Elle est d’en proposer une qui replace chacun dans son rôle. À l’administration, les examens. Aux enseignants, une offre de formation spécialisée et limitée à ceux qui en ont besoin. Aux parents, la transmission de ce qu’ils savent et font. Aux apprenants, l’activité de conduite.

 Notre démarche n’entend pas chercher un nouveau monopole. Elle n’a pour intérêt lucratif que la possibilité de fonctionnement matériel de la structure et de ses intervenants. Elle n’exclut en rien l’existence des auto-écoles et entend simplement proposer une offre qui n’existe pas car étouffée par le monopole économique du marché de la formation du conducteur. Que ceux qui désirent apprendre à passer le permis pour l’avoir continuent à fréquenter ces entreprises. Et il y en a. Que ceux qui désirent apprendre à être conducteurs viennent rejoindre les rangs des conducteurs-apprenants de l’École.

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