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Journée d'étude PériMobile à Strasbourg

Le 03/03/2016 de 09:00 à 16:00

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Misha - Salle Amériques (265) - Strasbourg Entrée libre ouverte au public

Marc Camiolo présentera quelques éléments de sa thèse de sociologie de l'éducation routière au regard des réformes actuelles.

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Affiche

 

PerIMobilE

Permis, Inégalité, Mobilité, Education


Guillaume Courty, Professeur de Science politique, CERAPS - Lille 2
Thierry Ramadier, directeur de recherche CNRS en psychologie, SAGE- Strasbourg

 

Chercheurs spécialisés dans l’analyse de la normalisation de la mobilité dans le discours et les dispositifs des politiques publiques, nous lançons une réflexion collective et interdisciplinaire sur les inégalités générées par cette nouvelle norme « mobilitaire ». Ce projet, doit au préalable permettre la rencontre et la discussion entre des chercheurs que rien n’a jusqu’à maintenant réuni si ce n’est l’objet sur lequel ils ont publié des recherches : le permis de conduire et les usages de l’automobile. Lors de deux journées d’études nous proposons donc de démarrer la constitution d’un réseau international et interdisciplinaire – sociologie, géographie, histoire, psychologie sociale et science politique – autour de deux laboratoires et de partenaires institutionnels et associatifs. La création de ce réseau nécessite également la mise en débat des axes de recherche que nous avons commencé à développer et réfléchir (voir ci-dessous). La seconde journée reprend ces axes après avoir été inaugurées par une journée de cadrage.

 

1. Le contexte, l’état de l’art, les objectifs, les enjeux

Depuis la création de la première autorisation de circuler en 1873 puis du « certificat de capacité » en 1893, beaucoup de réformes et autant d’évolutions technologiques sont venues bouleverser la conduite d’un véhicule automobile de tourisme. Au cœur de ces évolutions se trouve le permis de conduire. « L’avoir ou pas » est un enjeu social et économique. Ne pas l’avoir est même considéré comme un handicap sur certains marchés du travail. Dans certains milieux, cela peut être assumé comme une différence originale : « je ne conduis pas » nécessite un statut social particulier pour être justifié. Pour le plus grand nombre, ne pas le posséder ou en être dépossédé est au mieux une tare au pire un handicap.

Comme spécialistes des modalités de déplacements des individus dans l’espace, nous proposons d’aborder le permis de conduire dans la société française afin de découvrir si son obtention, sa conservation et sa reconquête en cas de suppression ou suspension font l’objet de processus d’exclusion sociale, sexuelle ou raciale. En se concentrant sur l’espace français, l’idée sous forme d’hypothèse consiste à envisager que le dispositif de délivrance du permis de conduire éclaire les conditions de (re)production d’inégalités sociales.

Aborder ainsi le permis de conduire a pour objectif de combler un vide dans la recherche mais l’enjeu est également de participer à la réflexion politique sur les outils et protocoles les plus adaptés aux populations qui n’arrivent pas à l’obtenir, à le conserver ou à le reconquérir. Cette réflexion appuiera par ailleurs les interrogations que nous développons actuellement autour du terme de « mobilité » et de son insertion dans les logiques globales de (re)définition du monde social.

Enfin, ce programme autour du permis de conduire est envisagé comme une manière de se saisir des connaissances produites dans ce domaine de la recherche en sciences sociales, de les discuter et de les confronter afin de générer une problématique solide sur les enjeux sociaux que recouvre l’objet, éléments alors susceptible de soutenir une investigation de plus grande envergure (dans le cadre d’une ANR notamment).

 

Un programme interdisciplinaire autour de trois axes de recherche

 

Dans les sciences sociales, la conduite automobile, les accidents et même la consommation automobile n’ont pas retenu l’attention de beaucoup de recherches. Peu de thèses, peu d’enquêtes collectives et des écoles de pensée peu reconnues. Des écrits éparpillés qui, faute de débats et de controverses, ne sont pas mis en perspectives en dehors des cercles d’initiés. Devant un tel constat, il serait tentant de vouloir tout combler. Nous limiterons notre objectif à cette problématique : analyser le permis de conduire comme les sciences sociales étudient les diplômes. Comme un « bien de salut » selon la formule de P. Bourdieu emprunté à la sociologie des religions de M. Weber. Bien de salut car le permis de conduire est un monopole revendiqué par des institutions étatiques pour sa délivrance, la surveillance de son usage et l’application de sanctions. Bien de salut car les personnes qui en bénéficient ne sont pas dans le même état que ceux qui en sont exclus ou démunis, voire dépossédés. Bien de salut enfin, car l’obtenir nécessite des pratiques et des gestes appropriés, ajustés à l’ordre institutionnel qui le régit.

En utilisant la métaphore du diplôme et les acquis de la sociologie de l’éducation, il s’agira de rechercher les logiques sociales qui prédisposent à obtenir, conserver et se réapproprier le permis de conduire.

Ce programme, même s’il est articulé autour de la métaphore du diplôme, ne souhaite pas néanmoins réduire le permis de conduire à la seule difficulté d’apprentissage. Pour en saisir les spécificités, il est articulé autour de trois axes de recherche qui nécessitent de pratiquer l’interdisciplinarité. L’état de l’art sur le permis de conduire impose en effet d’apprécier la pertinence de travaux menés notamment en histoire contemporaine, en sociologie, en droit, en psychologie sociale et en géographie sociale.

 

Premier axe. Le permis de conduire : modalités de passage, d’obtention et d’entrée dans la conduite automobile

En soulignant que le permis de conduire est faiblement investi par les sciences sociales, il ne s’agit pas de créer le vide. Des recherches ont été menées avec un fort tropisme de la psychologie sociale. Appréhender le permis comme un diplôme suppose de saisir et de reconstruire la structure qui participe à sa délivrance. L’accent sera donc aussi mis sur le marché des écoles présentes pour y former ainsi que sur les services gravitant autour de ces écoles. En découvrant les écoles, il s’agira d’isoler la discipline utilisée (ou les disciplines s’il y en a plusieurs ou si certaines ont disparu). Avec la discipline, l’enquête se tournera vers les contraintes intellectuelles et corporelles impliquées ainsi que sur les rites organisés.

 

1.1 Le marché des auto-écoles et son environnement « para-scolaire » (associations, services municipaux, etc.)

1.2 Le corps de formateurs et des évaluateurs

1.3 Les modalités d’apprentissage : code et conduite

1.4 Les modalités de passage des examens

1.5 Le permis de conduire comme rite de passage

1.6 Genre et réussite au permis

1.7 Inégalités sociales, socio-spatiales et socio-cognitives devant le permis et devant la conduite

1.8 Le permis comme diplôme  professionnalisant : pour qui ? par quels processus ?

 

Deuxième axe. Retrait et suspension du permis.

Une fois en possession du fameux papier rose commence la vie de l’automobiliste. Pendant cette vie, certaines catégories sociales sont-elles plus que d’autres prédisposées à perdre leur permis ? Cette question demande à explorer la sécurité routière et à entrer dans les contrôles puis les salles d’audience où se rend la justice de la route.

Le contentieux routier est de loin le plus volumineux ce qui a présidé à la création d’un tri effectué en utilisant une grille qui prête attention notamment aux taux d’alcool et aux antécédents de la personne en infraction. Ce tri vise à économiser les audiences. La réponse pénale n’est donc pas donnée uniquement suite à une audition. Là aussi, comme aux autres stades de cette recherche, toutes les catégories sociales passent-elles à travers le même filtre ?

Plus généralement, l’ancien titulaire d’un permis de conduire est-il un individu ou un membre d’un groupe social ? Cette question sera posée à chaque interaction que doit vivre un ancien conducteur. Lors d’un stage pour retrouver des points, devant un magistrat, devant un médecin, devant un assureur. Le plus difficile sera, sur ce terrain, de trouver des données sur la population qui conduit sans permis.

 

2.0 Une histoire de l’infraction : les éventuelles évolutions de la relation entre normes liées à la conduite et celles liées au véhicule

2.1 L’infraction routière : quels auteurs (en termes de PCS), quelles procédures ?

2.2 Le contentieux routier : le tri, l’audition, la sanction

2.3 Les stages

2.4 Santé, conduite et multirécidiviste

2.5 Conduire sans le permis

2.6 Assurances et permis de conduire

2.7 Les conducteurs de véhicule sans permis

 

Troisième axe. Les modalités de reconquête du permis ou de conquête pour ceux qui ne l’ont pas encore obtenu.

Toute personne en possession de son permis de conduire n’est pas assurée de le conserver. Cette possibilité introduit une autre dimension caractéristique des biens de salut : l’aléatoire.

Même pour ceux qui n’ont commis aucune infraction, le fameux document rose est soumis à l’aléa de sa capacité à survivre à l’usure. Ceux qui voudraient le remplacer par coquetterie ou par nécessité du fait de son état de conservation découvriront, lors de cette demande, que ce permis a une nouvelle forme : plus proche de la carte vitale ou de la carte bancaire, il n’est plus valable que pour 5 ans. Pour le renouveler, il faut passer une visite médicale. Les titulaires sont donc désormais tous potentiellement sous contrôle médical, à moins qu’ils puissent conserver encore le document original. Cette médicalisation se retrouve dans les modalités de la reconquête pour les personnes ayant fait l’objet d’un retrait ou d’une suspension.

Et, enfin, dans « la société qui fait obstacle à l’insertion », obtenir le sésame et aménager son véhicule pour les personnes en situation de handicap constitue un angle mort du rapport que cette population spécifique entretient avec l’automobile ; ce d’autant plus peut-être lorsqu’il en retourne des conditions légales de son « inclusion » et de son « autonomie ». Là encore, loin d’une « compétence technique à », entrer par le permis de conduire permettrait d’objectiver les inégalités sociales qui, dans un cas « extrême », autorisent à penser les logiques de l’accès aux normes de conduites.

 

3.1 Les publics des sans permis

3.2 Les acteurs de l’aide à la mobilité

3.3 La médicalisation des anciens conducteurs

3.4 Situation de handicap et rapport au permis et à l’automobile

3.5 Les aides publiques

3.6 Les injonctions à pouvoir conduire

 

2. Le programme prévisionnel

Dans un premier temps, ce programme émergent a besoin de rencontres entre les spécialistes des différentes disciplines présentées au début de cette note. Les connaissances sont actuellement très cloisonnées. Ce que les juristes ont analysé est peu connu des géographes qui ont peu travaillé avec les psychosociologues, les historiens et les politistes. Deux courtes journées d’étude, distribuées sur les deux laboratoires associés (CERAPS à Lille et SAGE à Strasbourg) sont envisagées, de sorte à permettre au public et aux partenaires potentiels de chaque site d’accéder et de participer au moins à une partie du travail de convergence vers une problématique centrale.  Si la première journée est un cadrage général sur l’usage et la formation autour de la conduite automobile en sciences sociales, la seconde a pour objectif d’aborder les questions relatives aux modalités de passage de retrait et de reconquête du permis B.

 

Première journée d’étude. Sciences sociales, automobile, usages et formation

Discutant : Guillaume Courty

Intervenants : Pierre Lannoy, Yoann Démoli, Matthieu Grossetête

Date : Lille, le jeudi 17 décembre 2015

 

Deuxième journée d’étude. Les modalités de passage, de retrait et/ou de reconquête du permis de conduire.

Discutant : Thierry Ramadier

Intervenants : Marc Camiolo, Gérard Hernja, Fabrice Hamelin

Date : Strasbourg, le jeudi 3 mars 2015

camiolomarc@aol.com

Misha - Salle Amériques (265) 5, allée du Général Rouvillois, 67 000 Strasbourg Alsace France